Trame verte et bleue : les limites d’une application à l’échelle locale

Née des lois Grenelles de 2009 et 2010, la trame verte et bleue s'est progressivement développée dans le vocable et les pratiques de l'aménagement. Elle propose une approche géographique de la biodiversité à travers un maillage territorial de continuités écologiques.

Dès lors, il est possible d'appréhender les connexions et les ruptures entre les réservoirs de biodiversité et mesurer l'impact environnemental de nos aménagements à différentes échelles. En bref, une nouvelle manière de regarder l'état de nos écosystèmes, plus abordable et compréhensible à tous.

Faisons un rapide tour d'horizon de la manière dont cette TVB est abordée dans les documents de planification en fonction des échelles de territoire (on se concentrera sur des exemples situés dans l'Ouest).

Rappel :

La trame verte est composée des espaces naturels tels que les forêts, les parcs naturels, les zones humides et les réserves naturelles. La trame bleue concerne les corridors écologiques aquatiques, tels que les rivières, les cours d'eau, les lacs et les zones humides. Ces ensembles permettent la circulation et la migration des espèces animales et végétales.

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SRADDET et SCoT : les grands principes

En Bretagne, Le schéma régional des continuités écologiques (SRCE) constitue un outil d'alerte et de cadrage pour les acteurs impliqués dans la mise en œuvre de la trame verte et bleue. Il définit des objectifs de restauration, de préservation et de connexion des milieux naturels bretons, en cohérence avec les différentes politiques publiques concernées. Ce SRCE est désormais intégré au SRADDET (schéma régional d'aménagement, de développement durable et d'égalité des territoires). le SRADDET breton propose l'outil cartographique "TRAME" pour appréhender la TVB au niveau régional. TRAME permet de visualiser une palette d'informations sur les ruptures et continuités terrestres et aquatiques. Il est un outil tout à fait utile à différents échelons.

Au niveau des SCoT, la TVB s'inscrit dans une démarche de projet où les grands ensembles écologiques sont généralement cartographiés selon une hiérarchie des milieux et de leur valeur : l'Exemple ici de la carte du SCoT du Pays de Brest.

Dans le meilleur des cas, le SCoT va faire ressortir des enjeux spatialisés en matérialisant davantage les ruptures, les continuités menacées..etc. La carte TVB du SCoT a vocation à s'imposer aux PLU dans un rapport de compatibilité. Par exemple, si une commune décide dans son PLU d'urbaniser un secteur que le SCoT défini comme continuité écologique, ça risque fort de coincer. Certains SCoT vont assez loin dans l'application de la TVB, comme celui de Nantes-Saint-Nazaire qui dispose d'un guide de traduction de la TVB pour les documents d'urbanisme.

La TVB à l'échelle du PLU

À l'échelle PLU, la trame verte et bleue revêt d'une application nettement plus précise. Il est cette fois question de règles et principes qui s'imposent à la parcelle. Les outils règlementaires du PLU sont riches en matière de protection :

  • le zonage découpe le territoire en zones qui marquent précisément les contours des corridors définis à l'échelon SCoT. À travers ses différents articles, le règlement apporte les garanties de protection en limitant les destinations possibles, l'emprise au sol des constructions... certains articles permettent d'imposer des objectifs liés à la place de la nature, notamment par la notion de coefficient de biotope;
  • Superposées au zonage, les prescriptions permettent de protéger plus spécifiquement des éléments naturels (arbres, linéaires bocagers, zones humides...) ;
  • Les OAP qui offrent aussi des possibilités nouvelles dans la prise en compte de la biodiversité. À ce titre, on doit noter que la récente loi Climat de 2021 a prévu d'imposer désormais les OAP thématiques "trame verte et bleue" au PLU.

 

Les limites des outils

Premier point incontestable : les outils règlementaires s'avèrent très utiles pour protéger l'existant. Il est par exemple très simple de sanctuariser un espace boisé en le plaçant en zone naturelle et y appliquant une prescription EBC (espace boisé classé). De la même manière, une zone humide ou autres espaces végétalités peuvent tout à fait être maintenus dans leur intégrité à travers les règles édictées.

En revanche, face à l'enjeu de réhabiliter la TVB, on se retrouve très vite démuni  : les dispositifs règlementaires perdent de leur utilité lorsqu'il est question d'agir sur des continuités morcelées. Deux exemples pour comprendre :

  1. Le PLU ne peut pas imposer de replanter un bocage dans un champs. Sa seule manœuvre et de matérialiser le linéaire comme EBC au zonage pour éviter tout aménagement susceptible de compromettre d'éventuelles plantations futures. Ceci étant, la commune donne ici un fléchage pour d'éventuel programme de replantation (comme celui de Breizh Bocage). Dans ce cadre, le PLU peut uniquement imposer de replanter dans le cas où un pétitionnaire décide d'arracher ou de couper : les mesures de compensation sont alors définies dans le règlement. Elles permettent de maintenir un certain équilibre sur les surfaces écologiques.
  2. Dans le cadre d'un permis de construire, d'aménager ou d'une déclaration de travaux, le PLU peut aussi imposer un quota de plantation ou d'espace de "biotope". Cela est, encore une fois, défini à travers son règlement ou les OAP. Çà peut donc s'avérer pertinent dans les nouvelles zones de développement ou en renouvellement urbain.

En somme, le PLU est très utile pour protéger les éléments existants mais se retrouve démuni pour reconstruire des continuités sur les secteurs de rupture (en milieu urbain ou agricole ouvert en particulier). Cela ne semble pouvoir se faire qu'au gré des autorisations d'urbanisme. Les récents décrets sur la nomenclature d'application du ZAN apportent de nouveaux éléments pour appréhender la place de la nature. Cependant, leur mise en place se révèle complexe et suscite de nombreuses levées de bouclier. Des changements à ce niveau restent tout à fait probables dans les mois ou années à venir.

Il n'en reste pas moins qu'à l'échelle PLU; l'approche TVB représente un moyen de sensibilisation des élus et de la population à de nouvelles pratiques d'aménagement plus respectueuses.

Perspectives

Après une douzaine d'années d'application, la TVB peut être perçue comme une étape. Les lois en faveur de l'environnement progressent et on peut imaginer demain des politiques plus engagées face à l'érosion de la biodiversité. D'ailleurs, on a pu constater récemment une oreille plus attentive des décideurs face aux épisodes caniculaires récents et des confinements. La verdure reprend progressivement du galon dans le politiques d'aménagement : verdissement des cours d'école, création d'îlots de verdure en ville... L'État s'est récemment engagé à ce titre sur un programme de 500 millions d'euros (mince budget au regard des la hauteur de l'enjeu).

On peut regretter que la nature ne soit ici considérée que par les services ponctuels qu'elle peut nous rendre. Le cheminement vers une prise de conscience plus large de notre interdépendance aux écosystèmes doit se nourrir des fruits de la recherche scientifique en la matière. La biodiversité est encore assez mal considérée dans le projet urbain comme le démontre très justement cette enquête du PUCA .

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